Pour le CNB, l’âge-ratio (pourcentage de jeunes dans la population de Bécasses) est déterminé en France grâce à la lecture des milliers d’ailes, prélevées sur des oiseaux abattus, et envoyées par ses membres à des lecteurs formés à la détermination de l’âge.
Un âge-ratio élevé est le signe d’une bonne reproduction, donc d’un état satisfaisant de l’espèce.
L’observation, lors de la période migratoire de la saison 2002/2003 (soit environ jusqu’au 20 décembre 2002), d’un âge-ratio anormalement bas dans certaines régions françaises, a mené le CNB à alerter les autorités compétentes et à recommander des mesures conservatoires pour la fin de saison.
Même si les valeurs de l’âge-ratio dans la période d’hivernage ont retrouvé des valeurs plus conformes à la normale, le bilan réalisé par le CNB au terme de la saison de chasse 2002/2003 fait apparaître une baisse sensible de ce paramètre par rapport aux précédentes saisons, tant au niveau national (sur le total des ailes reçues) que dans de nombreuses régions.
Disposant depuis la saison 1997/1998 des résultats détaillés du CNB, il nous a semblé intéressant de les analyser finement, afin d’essayer de quantifier cette baisse, et de dégager des indicateurs statistiquement fiables pour la gestion future de la Bécasse.
ANALYSE PAR REGIONS
Pour les 6 dernières saisons de chasse, 14 régions françaises ont fourni un nombre suffisant d’ailes pour être étudiées séparément. Le tableau suivant résume les données générées.
Analyse de l’âge-ratio (en %) des Bécasses, déterminé dans différentes régions françaises au cours des six dernières saisons de chasse
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saisons | 1997 | 2002 | ||
Région | minimum | maximum | moyen | écart-type | saison 2002/2003 |
Bretagne | 80 | 88 | 83 | 66 | |
Aquitaine | 68 | 81 | 77 | 70 | |
Poitou | 67 | 82 | 76 | 60 | |
Normandie | 65 | 82 | 73 | 58 | |
Pays de Loire | 63 | 78 | 71 | 60 | |
Midi-Pyrénées | 61 | 71 | 65 | 52 | |
Limousin | 57 | 71 | 64 | 54 | |
Rhône-Alpes | 60 | 75 | 63 | 50 | |
Languedoc | 49 | 65 | 60 | 49 | |
PACA | 46 | 67 | 60 | 57 | |
Centre | 50 | 67 | 58 | 42 | |
Auvergne | 49 | 66 | 57 | 54 | |
Franche-Comté | 47 | 59 | 54 | 54 | |
Bourgogne | 49 | 59 | 54 | 47 |
Dans ce tableau, les résultats enregistrés au cours de la saison 2002/2003 sont comparés aux résultats des cinq saisons précédentes, et les régions sont classées par ordre décroissant d’âge-ratio moyen entre 1997 et 2002.
Comme l’illustre la figure 1, il est en effet bien connu que, lors de saisons « normales », la proportion de jeunes Bécasses est notablement plus élevée sur la frange Manche-Atlantique que dans les régions du centre et de l’est de la France, l’écart pouvant atteindre 30%. L’analyse présentée dans le paragraphe suivant s’attachera d’ailleurs à montrer comment cette disparité entre régions peut affecter le bilan effectué au niveau national.
FIGURE 1
Valeur moyenne de l’âge-ratio (en %) entre 1997 et 2002
Illustration de la disparité entre les régions françaises
Le tableau 1 indique pour chaque région les valeurs minimales et maximales enregistrées de 1997 à 2002, ainsi que l’écart-type qui caractérise la distribution des valeurs.
Il faut souligner que l’amplitude des variations peut être importante d’une saison à l’autre, dépassant souvent 15%. A ce titre, la région PACA est remarquable, avec des âges-ratios variant de 46 à 67%, et avec un écart-type élevé (10%).
Devant de telles variations sur les valeurs annuelles, on devine aisément que des variations momentanées encore plus importantes puissent survenir dans certaines régions, par suite de conditions climatiques particulières et/ou d’état physiologique particulier des Bécasses.
Le tableau 1 donne enfin les valeurs observées lors de la dernière saison 2002/2003.
Pour comparer ces valeurs aux moyennes des 5 saisons précédentes, il convient de réaliser qu’une valeur 2002/2003 n’est statistiquement différente de la valeur moyenne des 5 saisons précédentes que si elle s’en écarte d’un chiffre supérieur à l’écart-type.
La comparaison permet de dire que l’âge-ratio pour la saison 2002/2003 :
– n’est pas statistiquement différent dans 3 régions : PACA, Auvergne et Franche-Comté,
– est significativement plus faible que la moyenne dans 2 régions, avec toutefois une valeur supérieure ou égale au minimum enregistré entre 1997 et 2002 : Aquitaine et Languedoc,
– a très nettement chuté dans les autres régions, avec une valeur inférieure au minimum enregistré entre 1997 et 2002 .
Au niveau national, l’âge-ratio est calculé par le CNB comme le pourcentage des jeunes oiseaux dans le total des cas étudiés, sans tenir compte de l’origine des ailes.
Au début des analyses, les ailes provenaient en partie importante de la région Bretagne, celle qui observe l’âge-ratio moyen le plus élevé en France. On peut donc soupçonner que ce mode de calcul a sur-évalué l’âge-ratio national dans les premières années d’études, et que la différence doit s’atténuer avec la contribution grandissante des autres régions.
Pour lever cette ambiguïté, une rationalisation des résultats semble nécessaire.
Il suffit pour cela de faire l’hypothèse que chaque région a envoyé le même nombre d’ailes que la Bretagne, de calculer quel aurait été le nombre de jeunes, compte tenu de l’âge-ratio particulier observé, et d’effectuer une nouvelle sommation. Ce calcul génère ainsi un âge-ratio pondéré.
Ce calcul a été réalisé pour les 6 dernières saisons, et le résultat apparaît dans le tableau 2, comparé à l’âge-ratio « brut ».
Comparaison de l’âge-ratio (en %) calculé au niveau national selon que l’on tient compte (valeur pondérée) ou non (valeur brute) de l’origine des prélèvements
1997/1998 | 1998/1999 | 1999/2000 | 2000/2001 | 2001/2002 | 2002/2003 | |
Brut | 69 | 74 | 71 | 70 | 63 | 58 |
Pondéré | 64 | 67 | 68 | 67 | 62 | 56 |
Ce tableau montre effectivement que l’âge-ratio calculé sans tenir compte de l’origine des prélèvements est légèrement sur-estimé. Cependant, avec la contribution accrue des différentes régions, l’écart devient minime, et probablement comparable à l’incertitude entachant ces calculs .
Entre 1997 et 2002, l’âge-ratio pondéré est resté remarquablement stable, variant entre 62 et 68%, avec une valeur moyenne de 66% et un écart-type de 3% seulement.
La valeur de 56% calculée pour la saison 2002/2003 est donc significativement plus faible, démontrant définitivement une anomalie dans la population de Bécasses rencontrée cette saison en France.